Le blog de Benoît Evain

Lorsque l’homme se rebelle contre l’ordre, l’homme doit créer le désordre. Dans notre univers bordélique, on dénomme cela l’anarchisme. Pour générer le bazar, l’homme doit s’habiller en noir sans petits cœurs roses. Lorsque l’ordre oppresse l’homme, celui-ci doit sortir avec une crête sur la tête en omettant la raie sur le côté. Même si c’est un consommateur, comme la plupart des capitalistes, il doit contester les dogmes, ou du moins dogmatiser la contestation. C’est l’ambition de l’extrémiste. L’extrémiste doit transformer le monde même s’il n’améliore pas la vie. Après avoir tout bazardé, le chaos lasse l’homme. Celui-ci achète un pack de bière au supermarché.

Calexico est venu comme une étoile dans un désert. Une étoile dans un désert de bruits. Au milieu des hurlements frénétiques des chanteurs assommants, voilà qu’est apparu, en voiture dans la poussière d’une route californienne, ce groupe aérien et radieux, soleil noir de sombreros et de trompettes. A des années-lumière de tous ces criards excités, Calexico fredonne les airs doux et légers des nuages qui passent. Il évoque la sécheresse des chemins de fer et des villes fantômes. C’est le chant mélodieux du grand Far West. Indolent de majesté. Clair et rocailleux, soufflant la chaleur du vent prêt à tournoyer. Il fredonne, et le cow-boy solitaire sur son cheval siffle au soleil couchant. Et le braillard agité, méprisant toute cette harmonie, saccage des mélodies avec sa voix tapageuse. Calexico fredonne. Pour l’oreille, c’est planant. Pour le cœur, ça soulage comme une leçon de philosophie.

La Préhistoire fut la grande période classique de la peinture. Les artistes utilisaient le pinceau et la toile pour réaliser des tableaux de grande dimension. La plupart était commandée par le sorcier ou le chef de tribu. Des paysages bucoliques avec des dieux de la mythologie antique ou des portraits de madones avec des petits Jésus entourés par des anges décoraient les cathédrales ou les châteaux des hommes de Cro-Magnon. Ces œuvres furent peintes il y a environ 40 000 ans avant Jésus-Christ. Les tableaux n’étant pas datés, l’époque reste approximative. Les scènes de chasse et les animaux passés au second plan depuis longtemps, les artistes préféraient représenter l’anatomie humaine et le mouvement des corps en respectant les proportions et la perspective. L’illusion du réel était si bien rendue que des anges semblaient sortir de la toile. Un peintre poussa le réalisme jusqu’à représenter la crasse sous les ongles des saints. Ce qui fit dire à un artiste plus traditionnel : « Il est venu au monde pour détruire la peinture ».

Lorsqu’un homme croise une échelle, l’homme ne doit pas passer sous l’échelle. Dans notre société crédule, on surnomme cela la superstition. Pour avoir de la chance, l’homme doit trouver un trèfle à quatre feuilles sans se faire piquer par une abeille. Lorsque l’homme accroche au mur un fer à cheval, celui-ci ne doit pas lui tomber sur la tête. Même s’il perd au loto, comme la plupart des participants, l’homme doit espérer gagner, ou du moins gagner de l’espoir. C’est l’opinion du croyant. Le croyant doit gober n’importe quelles légendes même s’il reconnaît que ce sont des mensonges. Après avoir acheté un ticket, le jeu est gratté par l’homme, celui-ci a dépensé deux euros pour rien.

A l’instar de Desproges parlant de Jacques Séguéla, je me pose une question : Nadine Morano est-elle une lumière ? La réponse n’allant pas de soi, je modifie ma question : Nadine Morano est-elle intelligente ? La réponse ne va toujours pas de soi.

Si Nadine Morano n’est pas intelligente, il ne s’agit bien-sûr que d’une simple hypothèse, parce qu’en aucun cas, Madame la justice et Monsieur le Juge, parce qu’en aucun cas, et je le dis bien haut oh mon bateau tu es le plus beau des bateaux, pardonnez-moi je m’égare, parce qu’en aucun cas, je le confirme, j’aurais l’impolitesse de me moquer gratuitement d’une ancienne ministre, et encore moins d’une femme politique tendance sarkozyste arrogante et vulgaire insultant des juges pour défendre son chef comme un supporter aviné crache sa bière sur l’arbitre. Bon, si la métaphore vous paraît grossière, veuillez me pardonner. Je ne tiens pas à froisser la sensibilité néo-nazie des fanatiques biturés qui braillent torse nu dans des stades polaires. 

Si Nadine Morano n’est pas intelligente, une simple hypothèse je reprécise, parce que vous êtes seul juge, Monsieur le Juge. Donc, si Nadine Morano n’est pas intelligente, et je ne fais qu’émettre une supposition. Donc, si cette hypothèse s’avère être vraie, que peut-il vous arriver? Bah, pour tout dire, Madame la Justice et Monsieur le Juge, je sais pas trop. Il se peut qu’au nom des principes qui gouvernent son orgueil, cette femme vous attaque en justice pour avoir figurée sur votre mur des cons. Evidemment, depuis un bon bout de temps, chacun reconnaît que les débats politiques ne brillent pas par leur intelligence contrairement à ce que pensent les militants. Alors, pour se défouler, il existe un mur des cons. Bien-sûr, Monsieur le Juge, si Nadine Morano n’est pas intelligente, on peut présumer que la majorité des français soit aussi de cet avis en n’ayant pas choisie une seconde fois Sarkozy comme président à l’exception des militants obligés de payer les conneries de leur candidat mais ne jugeons pas un homme accusé dans de nombreuses affaires.

Et si Nadine Morano est intelligente, il s’agit encore d’une hypothèse, si Nadine Morano est vraiment intelligente et que vous, Monsieur le Juge, vous certifiez que c’est faux, si vous assurez : Moi, Monsieur le Juge, je certifie que Nadine Morano n’est pas intelligente. Que peut-il vous arriver? Eh bien, à vrai dire, je sais pas trop. Nadine Morano peut l’avouer en riant de bon cœur. Et là, c’est incommode. Elle est hilare et vous souriez jaune. Vous voyez le tableau. Vous convoquez Nadine Morano pour lui dire : Madame Morano, je crains que vous ne soyez pas une lumière. Et elle vous répond joyeusement : vous croyez sans doute que je ne le sais pas. Dans ce cas-là, c’est qui l’imbécile dans l’histoire ? Je vous le demande. Pouvez-vous à cet instant condamner la bêtise d’une femme qui a de l’humour sur elle-même ? J’en doute. Mais, si vous le faites, je me verrais contraint de défendre cette humoriste, Madame le Juge et Monsieur la Justice ou le contraire, veuillez m’excuser. Je ne pourrais pas laisser condamner une femme qui a de l’humour sur elle-même. C’est une question d’éthique. Je défendrais l’autodérision de Nadine même si sa politique et son éducation sont quelque peu discutables.